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Résonance du Bout du Monde

- partage millénaire -

1er Janvier 2000, à 14h00.

Le Bout du Monde, près de Nolay, Côte d'Or.



Tous les mille ans, depuis que l'on sait compter par dizaines, des groupes se rassemblent à cet endroit afin de partager leurs souhaits pour l'avenir et, paisibles et contemplatifs, d'y célébrer le présent.

Pour arriver au Bout du Monde, il faut suivre la rivière Cozanne en amont de la ville de Nolay et passer tout d'abord sous un viaduc ferroviaire. Des pâturages et des taillis bordent la rivière. Puis on rencontre des vignes que surplombe une imposante falaise. Une fois le village de Vauchignon dépassé, le chemin se perd dans les affleurements rocheux et pour arriver au sommet, il faut escalader la paroi. Pour la rivière, le chemin est plus facile : le bord de la falaise atteint, le cour d'eau se jette en cascade sur les rochers cinquante mètres plus bas.



Sur ce site, les archéologues ont mis à jour des morceaux de poterie en forme de tubes et des éclats d'ardoise - tous pourvus de trous. Tout d'abord on a pensé que les témoignages provenaient de maisons bourgeoises construites aux dixhuitième et dixneufième siècles - les maisons paysanes ne possèdant que des toits de pierre ou de chaume. Une analyse chimique a révélé que les poteries provenaient de Provence et les ardoises du Pays de Galles. Parallèlement, une analyse au Carbone 14, tant des morceaux de bois trouvés à côté des fragments d'ardoise que des écléts de poterie, montre que depuis 8000 ans av. J.C. des réunions millénaires se déroulaient à cet endroit. Ainsi, depuis les environs de la dernière période glacière, le Bout du Monde est un lieu de célébrations où les peuples préhistoriques et préceltiques d'Europe se sont rencontrés. Cette découverte permet également d'expliquer la présence des trous et leurs positions dans les morceaux de poterie et d'ardoise : ce sont là les restes des premiers dispositifs sonores utilisés pour les rituels de passage.

En août, le terme de cascade n'est pas approprié : l'écoulement se diffuse au travers du lit de mousse qui recouvre la falaise, la pluie des gouttelettes formant à nouveau un ruisselet quleques mètres plus bas. Il faut être tout près avant de pouvoir entendre ou même apercevoir ces gouttes. Ce n'est qu'après une forte pluie, qu'il est possible de comprendre comment, lors de périodes plus propices, l'eau cascade de la falaise en un surplomb spectaculaire. En hiver, la paroi se couvre de glaçons brillants que transforme allonge et multiplie l'égouttement. Les froids extrêmes figent l'écoulement en une massive colonne de glace - sans que les rayons du soleil ne soient à redouter dans cet endroit abrité.


La reconstitution de la forme première de l'instrument rituel montre que des interdépendances culturelles s'étaient déjà développées entre les extrémités nordiques et méridionales de l'europe. Les Gallois possédaient l'ardoise, matériau musicalement très utile pour les percussions, mais ne savaient pas réaliser un tube résonnant. Les peuples du sud qui maîtrisaient les techniques relativement avancées de la céramique ont donc fourni ce tube de résonance à l' effet spectaculaire et durable - comme les recherches l'ont mis en évidence.

J'ai aimé cette endroit depuis la première fois où je m'y suis rendu il y a sept ans, et j'ai souvent pensé qu'il pourrait être un lieu intéressant pour un évènement associant sculpture et musique. Je m'intéresse aussi depuis longtemps aux instruments qui utilisent l'eau pour produire des sons et l'idée d'une célebration autour du nouveau millénaire induisant une sensation de calme et sérénité est aussi à l'origine du choix de ce site. Pour moi, si célébrer le millenium ne signifie pas davantage l'expression d'un sentiment réligieux que la mise en scène d'une grande joie, il n'en stimule pas moins la réflexion sur les relations qui existent entre le passé et le présent. Ainsi, j'ai réalisé neuf instruments particuliers que l'on fait résonner en les plaçant sous les chutes d'eau. Ils se composent d'un morceau d'ardoise placé au-dessus d'un tube en terre tenu au moyen d'une longue perche. Je vous invite à me rejoindre le premier janvier au Bout du Monde pour que nous puissions ensemble tenir ces instruments sous la cascade et créer à l'aide de l'eau une musique particulière.


Le Bout du Monde se trouve juste au-dessous de la ligne de partage des eaux entre la Mer Méditerranée (milieu de la Terre) et l'Océan Atlantique (continent perdu). On pense donc que ce lieu a été choisi en raison de l'énergie particulière dégagée par la cascade, les Anciens croyant que cette source d'énergie stuée à proximité de la source de la rivière donnait la capacité aux flots de porter les vibrations de l'ardoise et de la terre à toutes les eaux du monde.

Ce qui reste mystérieux et sujet à quéstionnement, tant pour les cosmologues que pour les archéologues, c'est la capacité des Anciens à calculer avec une telle précision le retour de chaque millénaire et ceci quelques 8000 ans avant la naissance du Christ et le développement du christianisme comme système dominant de croyance en Europe.


Bien sûr, il fera probablement froid le premier janvier. Aussi l'intervention musicale ne durera pas plus d'une demi-heure et, après, nous vous invitons à nous rejoindre autour d'un bol de soupe ou de vin chaud!

performances, installations, music

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photos © copyright Jane Norbury