bouts de bois
Pense au son que produit
le bois qu’on scie pour le feu. Et si tu ne l’as jamais entendu,
essaie de l’imaginer. D’abord le son grinçant de la
scie, puis le bruit sourd du tronçon coupé qui tombe sur
le sol boueux, suivi d’un tintement sec quand tu le jettes sur la
pile. C’est ce dernier son qui n’en finit pas de me fasciner.
Rappelle-toi la mélodie qui se crée, son rythme réglé
par le rythme de ton travail. Par l’énergie de ton bras qui
actionne la scie, et puis par sa fatigue : les bûches plus grosses
qui ralentissent le rythme et allongent le temps entre deux tintements
mais les rendent plus aigus aussi. La note de chaque bûche est déterminée
par la combinaison de sa longueur et de son épaisseur ; parfois
un accord surprise surgit d’une bûche de section plus ovale.
Au départ la mélodie est aléatoire, mais un effet
retour se crée dès lors que tu te demandes quel son produirait
une bûche vraiment courte, alors tu en coupes une pour voir, et
tu commences à influer sur la mélodie. Et à mesure
que la pile monte, il arrive qu’une des bûches glisse du sommet
et, en entraînant d’autres, produise un accord agglomérat
ou une polyphonie inattendus, l’oreille musicale imposant alors
sa propre interprétation à une masse informe. Arrête-toi
un instant pour savourer ce souvenir… ou pour imaginer… alors
peut-être, après un moment, il va devenir plus amusant de
jouer avec les morceaux que tu as déjà coupés que
de continuer à en couper d’autres… |